AFELACC
Lee Bouriane
Ancienne attachée d’éducation de l’Ambassade de Corée en France
Ancienne secrétaire générale fondatrice de l’AFELACC
Cela fait déjà un an que Jin-Mieung LI nous a quittés très subitement et nous avons toujours du mal à faire face à cette triste réalité.
La veille du 11 mai 2024, le jour de la première commémoration de son décès, Jin-Mieung LI m’est apparu pour la première fois en rêve, comme pour m’assurer qu’il était toujours là avec moi au sein de l’AFELACC, dont il avait assumé avec dévotion le rôle de président pendant 10 ans, depuis sa création jusqu’en 2018. Dans ce rêve, j’étais en train d’organiser un atelier dans un établissement scolaire - comme je l’avais fait auparavant de nombreuses fois en tant que responsable des ateliers. Il semblait que tout avait été mis en place, seule la présence de Jin-Mieung LI manquait. J’attendais avec impatience son arrivée imminente et celui-ci apparut à vélo, lourdement chargé de livres et autres matériels qu’il estimait nécessaires à la bonne tenue des ateliers. Le voyant enfin arriver, je me suis sentie à la fois très rassurée et confiante car je pouvais enfin commencer les ateliers avec le soutien inébranlable de Jin-Mieung LI. Ces sensations demeurèrent très vives dans mon esprit même au réveil. Son apparition au jour de sa commémoration me consolât en effet car j’y vis un signe de son soutien inconditionnel et indéfectible.
Oui ! Étant désormais convaincu de la nécessité de développer l’enseignement du coréen dans les lycées en France, M. Li a immédiatement adhéré au projet novateur et ambitieux d’une nouvelle association, qui sera mise en place en 2009 sous la houlette de la direction de la Section Éducation de l’Ambassade de Corée en France. Cette association à mission spéciale, intitulée Association Française des Enseignants de Langue et Culture Coréennes (AFELACC), avait pour but de promouvoir le coréen dans les établissements scolaires en France. Jin-Mieung LI s’est porté volontiers garant de cette association naissante. Il a assumé son rôle de président par excellence durant 10 années consécutives et nous a ainsi apporté son soutien incontournable de par sa présence, son conseil et sa générosité dans le cadre de cette association. Le résultat de cette action collective est désormais connu de tous. En 2016, le coréen est promulgué par le gouvernement français en statut de langues vivantes obligatoires dans l’enseignement secondaire.
Derrière cet exploit monumental, M. Li était toujours là comme une montagne immuable. Avec lui et aussi à l’abri de cette montagne vivante, nous avons parcouru ensemble un long chemin. Aujourd’hui avec les membres de l’AFELACC, nous lui adressons toute notre reconnaissance et nos remerciements les plus sincères.
Je souhaiterais dépeindre, tant que ce lieu me le permet, comment M.LI a assumé son rôle de président au sein de l’AFELACC, dont la mission assignée avait été aussi noble qu’honorifique aux yeux de tous les concernés. Il ne serait pas possible de rendre compte ici en quelques lignes de toutes ses activités. Je me contenterai de mentionner quelques-unes de ses actions qui me paraissent les plus significatives pour illustrer sa présidence dévouée et honnête, loin de tout cliché banal.
En tout premier lieu, je voudrais mentionner ses apports scientifiques incontournables dans l’accomplissement des missions de l’AFELACC.
En effet, JM. LI, en tant que rare coréanologue, a joué depuis les années 1980 un rôle prépondérant dans le développement des études coréennes en France.
A l’époque où tout était encore à construire, M.LI, en parallèle de son enseignement du coréen, a réalisé d’importants travaux, à savoir, l’histoire de l’immigration des Coréens en France en général et celle de l’enseignement du coréen en France en particulier. De par sa formation historienne, il a retracé minutieusement l’histoire de l’immigration des Coréens et de l’évolution de l’enseignement du coréen en France. En tant qu’historien, il est particulièrement intéressé par les questions du droit territorial de Dokdo et de l’appellation de la Mer de l’Est. Il a surtout mené d’importants travaux de dépouillement des archives diplomatiques et ses recherches ont été publiées en anglais et diffusées dans de nombreux pays.
Travailleur inépuisable, M. LI affiche aussi dans son panel de travaux la traduction en langue française de nombreuses œuvres littéraires coréennes depuis les années 1980.
Lorsque M.Chajin KIM, attaché d’Éducation, et moi-même, étions sur le point de lancer la création de l’AFELACC, M.LI jouissait déjà d’un statut inégalé par ses expériences et ses innombrables travaux scientifiques. C’était le coréanologue le plus connu et le plus respecté dans le domaine des études coréennes. Il avait le profil parfait pour représenter notre association dont la mission sera aussi noble que l’esprit de ce Monsieur qui a consacré toute sa vie pour le développement de l’enseignement du coréen en France. Assumer la présidence de l’AFELACC signifiait sans aucun doute pour lui la consécration de sa carrière professionnelle. M.LI avait ainsi mis tous ses travaux et ses compétences au service du développement de la nouvelle association, en commençant par organiser le séminaire inaugural de l’AFELACC sur l’histoire de l’enseignement du coréen en France. C’était le 13 juin 2009 au siège historique de l’association des résidents coréens en France dans le 15è arrondissement de Paris.
Par la suite, il s’est préoccupé avec une sincérité exemplaire d’assumer autant qu’il le pouvait les discours et les séminaires organisés dans des cadres différents. Dans le cadre de l’assemblée annuelle de l’AFELACC, il nous prodiguait ses discours chaleureux, rédigés toujours avec autant d’attentions bienveillantes à tous les membres et les intervenants venus de territoires différents. Ses discours reflétaient son amour et sa fierté envers nous dans son entité associative.
C’est aussi avec cette fierté que M.LI rédigeait avec sérieux des lettres de demande de subventions et de remerciements auprès du ministère de l’Éducation nationale de France. L’AFELACC étant la seule association habilitée à obtenir des subventions du gouvernement français, M.LI et moi ressentions la responsabilité morale d’élever l’association à la hauteur de ce statut officiel.
Également, l’AFELACC a pu bénéficier du cadre prestigieux des conférences internationales qu’il organisait conjointement avec la Fondation pour l’Histoire de l’Asie du Nord-Est lors du 130è anniversaire de l’établissement de la relation diplomatique entre la France et la Corée. Et ce, grâce à son président, Jine-Mieung LI, un coréanologue de renommée internationale par ses travaux scientifiques et ses archives sur l’histoire de la péninsule coréenne. Rien que par ses travaux, M.Li nous rendait fiers de ce que nous faisions pour la promotion de la langue et culture coréennes en France.
Les actions de M.LI ne se limitaient pas seulement à ces acquis précédents.
Depuis qu’il avait pris la fonction de président de l'association, dont l’objet était la promotion de l’enseignement de la langue coréenne dans le secondaire, M.Li, avec son goût de chercheur chevronné, s’est mis sans tarder à étudier le système de l’enseignement des langues vivantes dans le secondaire. Il cherchait les informations les plus récentes pour nous orienter vers la bonne voie. De par sa propre initiative, il épluchait méthodiquement les textes administratifs de l'Éducation nationale de France avec son désir certain de se rendre utile à l’association.
M.LI veillait à fournir tout ce dont Mme Jeong-Rye CHOI et moi-même avions besoin pour accomplir nos différentes missions en tant qu’attachées d’Éducation auprès de partenaires français très expérimentés.
C’est ainsi qu’il nous a fourni avec l’aide de sa femme, Mme Yoko LI, universitaire et spécialiste de l’enseignement du japonais, des textes administratifs sur le programme en vigueur de la langue japonaise qui nous servira de référence pour établir notre propre programme du coréen dans le secondaire.
Durant ces collaborations, nous étions tous soudés et réunis autour d’un commun objectif : l’adoption officielle du coréen au Baccalauréat en tant qu’enseignement à part entière !
Dans cette optique, M.LI et ses deux consœurs aussi respectées que lui dans le paysage universitaire, à savoir Mme Bona KIM, professeure de l’université Montaigne Bordeaux 3 et Mme Eun-sook CHABAL, maître de conférences de l’université Le Havre, dirigèrent ensemble pendant plus de dix années consécutives l’élaboration des manuels de coréen destinés à accompagner le développement de l’enseignement du coréen
dans le secondaire et à l’université. Grâce à ces universitaires et aux autres auteurs, dévoués à la mission assignée de l’AFELACC, celle-ci a pu atteindre son but ultime fin 2016, l’année où le gouvernement français annonce publiquement l’adoption du coréen au Baccalauréat dans son bulletin officiel (BO du MEN n°43 du 2016-177).
L’élaboration des manuels réunissant une dizaine de membres actifs était un travail de longue haleine qui demandait de nous inscrire dans la durée avec une volonté de fer. Depuis 2011 ont été publiés par la Presse universitaire de Bordeaux les trois manuels de coréen et les 3 cahiers d’exercices, intitulés Apprenons le coréen ! (Tome 1 en 2013, Tome 2 en 2014 et Tome 3 en 2021).
Il est de nul doute que les initiatives et les actions menées par l’AFELACC étaient propédeutiques car elles inspirèrent de nombreux acteurs dans leurs pistes d’actions. Que M.LI et tous les acteurs pionniers en tirent leur fierté et se sentent récompensés !
Ainsi nous rendons notre ultime hommage à cet être exceptionnel à l’image d’un vrai Seonbi, sobre, modeste, sincère et généreux.
Paris, le 5 septembre 2024
Ecrit par Lee Bouriane
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