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HOMMAGE A ANDREE MICHEL (101 ANS) : la Rebelle Féministe


Chère Andrée,


Nous sommes réunis pour te dire "au revoir" et saluer une vie sans pareil. Toi, unique par ta personnalité, tes choix, tes travaux intellectuels, tes engagements, tes combats, par les liens que tu as tissés au cours de ta vie.

Tu as choisi, à l'âge de 101 ans, de partir le mardi 8 février, jour de l'anniversaire de ton mari, André, syndicaliste Montreuillois...

En sociologue, tu es pionnière dans les recherches sur les femmes, sur la famille, sur les immigrés, puis sur l'industrie militaire industrielle.

Pour toi, la solidarité n'est pas qu'un mot. En particulier, envers les femmes.

Bâteau des femmes arabes pour la paix. Tu mèneras aussi des actions de soutenir pour le peuple iranien en résistance, pour le peuple Palestinien, pour le peuple bosniaque, pour les femmes de la République démocratique du Congo.

Tu oses critiquer frontalement l'armement nucléaire et la politique militarisant la France, pays parmi les plus nucléarisés du monde et les plus gros vendeur d'armes. Ta colère est profonde contre ceux qui font le choix de la guerre, ceux qui s'enrichissent avec elle, contre ceux qui laissent faire.

Durant la guerre de Bosnie-Herzégovine, tu entames même les démarches pour changer de nationalité.

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Témoignages :





















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Par Lee Myung-jin


Comme un lion qu'aucun son n'effraie

comme le vent qu'aucun filet ne retient

Comme un lotus que l'eau sale ne souille pas

Seul, toute seule allez

marchez votre chemin unique, un et une comme la corne du rhinocéros…


De Suttanipatha Sutra


Le 8 février 2022 mardi avant l'aube

Andrée a éteint la dernière lampe de sa vie. Comme si toute la sève en était épuisée.

Quand je l'ai embrassée, elle s’était durcie comme un arbre… Ce n'est qu'alors

que j'ai compris la ferme volonté qu'elle avait réalisé : elle s'était préparée à la

mort à travers 8 jours de jeûne et de méditation silencieuse.


de l'eau, une goutte

de la compote de pomme, une cuillerée

Et un point de raisin noir


Ce fut le dernier cadeau que je lui ai offert. Elle, rompit son jeûne et répondit à ma dévotion en savourant la chair de pomme humide parfumée au raisin que je tendais à ses lèvres.


Depuis 20 ans que je la côtoie, Andrée a toujours aimé le thé chaud au citron, les nouilles coréennes (japchae, parfois appelées pâtes chinoises) et la soupe, une soupe que j'ai fini par appeler "Andrée", et toujours elle a invité ses propres amis chez moi. Elle leur était un guide pour la cuisine coréenne, les femmes coréennes et la société coréenne qu'elle découvrait.

Notre première rencontre ?

Par une journée très chaotique de début d'automne, quelques jours après les attentats terroristes du 11 septembre 2001. Je me rendais à mon restaurant-salon

des artistes de Montreuil portant mon fils en bas âge Baek Yi, pas plus lourd qu'un petit caillou, sur le dos. Pour parvenir au restaurant, il faut traverser un passage piéton juste face à la porte. Ce jour-là une grand-mère française me hèle :

« Que tu es Mignonne ! …Mais ne portez pas trop longtemps votre bébé au dos. Sinon, plus

tard vous aurez mal au dos à chaque instant de vie. »

Je lui répondis d'un sourire.



L'après-midi même, la grand-mère vint à mon restaurant pour commander d'une voix claire et forte : « Des pâtes chinoises, s'il vous plaît ! »

Des pâtes… chinoises ???

Une voix de juge ? Je lui dis que je suis coréenne. Et elle se reprit en souriant :

« Des pâtes coréennes, s'il vous plaît. »

Je lui préparai 잡채, des nouilles de patates douces aux légumes avec un peu de riz. Elle finit son assiette avec un énorme plaisir. Et au lendemain midi, elle commandait tout pareil :

« Ces pâtes douces coréennes, j'en voudrais encore… »

Tous les jours elle revint, le même repas une semaine durant. Moi qui étais bien

plus jeune, je me sentais comme une mamie coréenne. Car ensuite elle s'est essayée au Kimchi (choux fermenté assez piquant) avec ardeur. Cette dame venait d'avoir 80 ans. J'en comptais 34 à l'époque et n'aurais su goûter un plat typiquement français. Je pensais

« Comment êtes-vous si ouverte que vous goûtiez ainsi à d'autres cultures

sans hésitation ? »

Elle me dit sa carrière de professeur au CNRS et ses longs voyages vers l'estEurope, l'Afrique, l'Amérique du Canada au Chili, vers le Tibet aussi et la Chine. Un mois plus tard, elle m'invita pour un Tea time chez elle, juste à côté de l'école maternelle. Elle habitait au 6, avenue Jean Moulin… et moi au 12 : dans un appartement tout pareil au mien mais un bâtiment différent.

Andrée aimait les enfants. Si je n'avais pas été mère ouvrière elle n'aurait peutêtre pas fait attention à cette dame asiatique qui traversait la rue. Elle m'offrit un

de ses livres très populaires (servant de manuel de sociologie dans plusieurs universités) sur l'histoire des mariages et des sociétés. Et ce fut le commencement

d'échanges réciproques, d'échanges aimants… Elle voulait me nourrir de ses livres et moi je voulais lui faire connaître ma culture coréenne au moyen de mes plats.

Au début nous étions très différentes, et à cause d'elle j'ai beaucoup pleuré. Elle n'avait pas vécu à la façon d'une mère douce ni d'une sage fille ni d'une gentille dame. André pouvait se montrer dure comme la roche… à la fin elle se fit sable…Souriante comme une tendre mamie.


En 2008, à la naissance de mon dernier fils elle le surnomma petit bouddha. Nous avons souvent échangé sur la philosophie bouddhiste et elle a pratiqué avec moi

méditation & yoga. Quand elle perd son énergie, quand quelques fois elle se sent nerveuse elle me demande une thérapie, sa préférée, le Vol de l'oiseau.


Je me souviens que c'est à 97 ans seulement, il n'y a de cela que 4 ans, qu'elle a commencé à se confronter à la peur de marcher après une première chute dans son appartement. Alors la faiblesse a fini par la rejoindre. Quant à moi, la fermeture de mon restaurant me mena vers une autre phase de la vie…

Chacune de nous attrapée par le combat quotidien.

Chacune de nous et ensemble.




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