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Quand l’Utopie Devient Réalité. Témoignage de : M. Dominique DESAIX, consul honoraire de Corée











Par Dominique Desaix,

consul honoraire de la république de Corée à Rouen

Ancien proviseur du Lycée-Collège Camille Saint-Saëns de Rouen de 2006 à 2016



Au moment où de nombreux observateurs avisés évoquent dans leurs éditoriaux ou sur les plateaux de télévision un « monde d’après », inexorablement promis aux secousses économiques, sociales, culturelles et politiques, je dois avouer qu’il m’est particulièrement agréable de revenir sur les « jours d’avant » et en particulier, sur l’expérimentation coréenne, menée durant une décennie sous ma direction, au lycée Camille Saint-Saëns de Rouen.



A l’origine, rien en effet, ne prédispose cet établissement rouennais, situé à 110 km de Paris et à 9000 km de Séoul, à s’engager dans une telle aventure. Il faut bien le concéder, c’est par le plus grand des hasards, simple coïncidence ou signe du destin que je suis amené à prendre un premier contact avec l’équipe du service éducatif de l’ambassade de Corée, organisatrice d’une exposition photographique dans les locaux du Rectorat de Rouen.
Cette première rencontre, où tout commence, est l’occasion, et l’expression est loin d’être exagérée, d’un véritable coup de foudre…à la fois, culturel et pédagogique.

L’opportunité m’est ainsi donnée lors de ce premier contact, d’entrevoir derrière

l’apparente rigidité souriante de mes interlocuteurs, des gens chaleureux, passionnément attachés à leur pays, efficaces, déterminés, pragmatiques et soucieux de faire avancer rapidement le dossier.

Dans la foulée de cette brève rencontre, les deux parties prenantes décident de construire un projet commun. La partie coréenne dirigée de main de maître par Monsieur Kim Chajin, se charge de recruter des intervenants qualifiés. Tous devront être en mesure d’initier, vingt-huit élèves de cinquième et trente-cinq de seconde, à des thèmes aussi divers que : la calligraphie, les cérémonies traditionnelles, la gastronomie, la danse, la musique, les arts martiaux et ancestraux coréens.


De mon côté, je n’ai guère de mal à trouver parmi le corps professoral, deux enseignants, particulièrement heureux de pouvoir bénéficier du droit de cheminer hors des sentiers battus. Je leur confie le soin de traiter la géographie, l’histoire, l’économie et la diplomatie coréennes. Ce serait néanmoins faire injure à la vérité de dire que l’ensemble de la communauté éducative du Lycée Saint-Saëns applaudit des deux mains et adhère d’emblée à ce partenariat. Une poignée de professeurs y est franchement opposée pour ne pas dire hostile, étant par principe, contre tout ce qui n’entre pas dans les programmes officiels du ministère de l’Education Nationale. D’autres encore qui ignorent tout de la Corée ou presque, ne voient pas l’intérêt pour des élèves de travailler sur un pays aussi « exotique » et tellement lointain.

Certains enfin, s’en amusent avec plus ou moins d’humour, en s’ingéniant, par exemple, à demander régulièrement aux collègues impliqués, s’ils comptent travailler sur la Corée du Nord …Ne reculant devant rien, l’un d’entre eux va même jusqu’à leur proposer de rebaptiser le Lycée Camille Saint-Saëns, en Lycée Camille Samsung……

En revanche, la très grande majorité de la communauté éducative suit l’évolution de l’atelier, certes au début avec circonspection, puis devant la qualité des animations proposées et le ressenti positif émanant des élèves et de leurs parents, avec intérêt et bienveillance. Les autorités de tutelle sont sensiblement sur la même longueur d’onde. Il leur faudra un peu de temps pour prendre conscience, notamment lors de la publication dans les médias locaux d’articles flatteurs, de la qualité et de la richesse de l’expérience. Elles finiront par l’adouber pleinement, en en faisant un axe fort du Projet Académique.


Le succès des ateliers est tel que leur réputation ne tarde pas à franchir les murs de l’établissement. De ce fait, plusieurs collèges et lycées professionnels de l’académie emboîtent le pas du Lycée Saint-Saëns et décident de se lancer à leur tour dans la même expérimentation.

Ainsi, c’est sous la houlette du Dr Moon Kyu Yung, chargée du cours de coréen à l’université de Rouen et de M. Jean-Joseph Le Brozec professeur agrégé d’histoire géographie au Lycée Camille Saint-Saëns que les ateliers se mettent en place et trouvent très vite leur rythme de croisière, suscitant sans discontinuer chez les élèves, un intérêt et un engouement jamais démentis.

Après le départ sous d’autres cieux de nos deux pionniers, ce sont, Mme Véronique Archeray, Présidente de l’AFELACC locale et Mme Aline Desmorat, professeure agrégée d’histoire et géographie qui reprennent le flambeau avec autant d’enthousiasme et le même succès. De leur côté, les services de l’ambassade de la République de Corée apportent leur pierre à l’édifice pour assurer le bon fonctionnement et la pérennité du dispositif. Les responsables du service éducation, en particulier, Mme Bouriane Lee, Mme Choi Jung-Rye et M. Kim Chajin, sont à tous moments des recours précieux pour régler les problèmes d’intendance ou pour suggérer des pistes d’amélioration et d’enrichissement du projet.

C’est ainsi qu’au fil des années, à raison de deux fois par semaine, l’établissement rouennais se transforme en lycée séoulite. Le rite est immuable, les intervenants, avant de prendre en charge les élèves, les bras chargés d’objets les plus divers, pinceaux ou instruments de musique, parfois vêtus de costumes traditionnels, ne manquent jamais de passer saluer la direction, sens de la courtoisie et respect de la hiérarchie obligent.

Ils sont parfois accompagnés par le regretté M. Kim Yang-Hi, consul honoraire qui restera l’un des plus fervents supporters du projet.


Quelle satisfaction pour le Proviseur, lorsqu’au fil de ses pérégrinations dans l’établissement, il peut, selon les jours, contempler les élèves reproduire avec soin les lettres de l’alphabet syllabique hangeul, les découvrir dansant au son du tambourin, les voir tenter de briser des planchettes sous l’œil vigilant d’un grand maître du Taekwondo, ou encore, les admirer se contorsionnant au rythme de la K.Pop. Quelle aubaine pour lui, d’être invité à une cérémonie du thé, orchestrée par des élèves vêtues d’élégants hanboks et une fois par an, de se trouver convié à partager avec eux, un repas épicé…très épicé au kimchi.

Il serait cependant, tout à fait injuste de limiter l’intérêt des ateliers à une simple mise en place d’activités diverses. Ces derniers auront, bien au-delà du périmètre d’une classe, donné la possibilité à l’ensemble d’un établissement, d’une ville et d’une région de découvrir voire de décrypter, via l’organisation de concerts, de conférences, de festivals, les aspects les plus significatifs d’une culture et d’une civilisation coréennes foisonnantes et vivantes.


une cérémonie du thé, orchestrée par des élèves vêtues d’élégants hanboks et une fois par an, de se trouver convié à partager avec eux, un repas épicé…très épicé au kimchi.

Il serait cependant, tout à fait injuste de limiter l’intérêt des ateliers à une simple mise en place d’activités diverses. Ces derniers auront, bien au-delà du périmètre d’une classe, donné la possibilité à l’ensemble d’un établissement, d’une ville et d’une région de découvrir voire de décrypter, via l’organisation de concerts, de conférences, de festivals, les aspects les plus significatifs d’une culture et d’une civilisation coréennes foisonnantes et vivantes.


En outre, ces ateliers auront eu le mérite de faciliter la mise en place d’échanges scolaires et de donner l’opportunité à plusieurs promotions de lycéens coréens, de séjourner en Normandie, et à de jeunes Normands de s’imprégner du mode de vie des familles coréennes tout en goûtant à l’atmosphère unique d’un lycée prestigieux de Séoul. Ces voyages seront l’occasion d’un véritable choc de culture pour les adolescents des deux pays. Ils ne se limiteront pas aux élèves et déboucheront quelques années plus tard sur des échanges de professeurs.

Par ailleurs, ils constitueront la tête de pont nécessaire qui permettra à la langue coréenne de faire son entrée officielle dans le système éducatif français.


Enfin, et il s’agit là incontestablement du fait le plus important à porter à leur crédit, ils seront à l’origine de la naissance de profonds liens de camaraderie et d’amitié, entre lycéens, professeurs et responsables diplomatiques et éducatifs des deux pays, tous en quête d’une compréhension et d’un enrichissement mutuels.







Il m’arrive parfois de m’interroger sur les raisons d’un tel succès. La « vague coréenne » porteuse d’une culture riche, en déferlant sur le monde a grandement facilité les choses en suscitant un intérêt, aussi incroyable qu’inattendu chez bon nombre de jeunes Français. Les ateliers sont arrivés au bon moment pour amplifier le phénomène et assouvir la soif de connaissances et de découvertes de ces derniers. Le choix judicieux des intervenants, tous experts dans leur domaine, leurs indéniables qualités pédagogiques et humaines, leur volonté sans cesse affirmée d’intéresser les élèves, n’est pas non plus étranger à cette réussite.


Enfin, fortes de leur autorité morale et pédagogique, les autorités diplomatiques et rectorales, en soutenant sans réserve les ateliers, ont largement pesé sur leur légitimation auprès de toutes et tous.

En guise de conclusion, je veux absolument remercier, les autorités diplomatiques et rectorales qui m’ont accordé le privilège de porter, de piloter et de vivre de l’intérieur ce projet, sans oublier bien sûr, tous les acteurs impliqués qui de près ou de loin ont apporté leur précieux concours à son bon fonctionnement.


C’est d’ailleurs en grande partie grâce à leur rayonnement que des écrivains tels que Kim Oon, Kim Yong-Ha, Chang Kang-Myoung, des réalisateurs comme Yim Kwon Taek, Bong Joon-Ho, Park Chan-Weok, Lee Chang-Dong, des musiciens à l’image de Psy, Nah Youn-Sun, sans oublier les groupes de K-Pop et bien d’autres encore, font dorénavant partie intégrante de l’univers culturel d’une partie non négligeable de Français.

Je souhaite assurer de toute ma gratitude et de ma profonde reconnaissance, Bouriane, Kyu, Véronique pour la qualité et la densité du travail accompli durant toutes ces années. Sans leur investissement, leur enthousiasme, leur culot, leur bonne humeur, jamais au grand jamais, ce projet n’aurait pu rencontrer un tel succès. Je tiens également à réaffirmer tout le respect, l’admiration et l’affection que je voue à l’un des coréens les plus humanistes et francophiles qu’il m’ait été donné de rencontrer grâce à cette expérience. Je veux parler de mon ami, le brillant et élégant, Monsieur Uhm Kyu-Back, Président de la fondation du lycée Yang Chung de Séoul et initiateur des échanges scolaires. Je forme le vœu que de nombreux établissements secondaires français se lancent à nouveau dans ce type de coopération culturelle et qu’ils ne manquent pas l’occasion de goûter à cette incomparable sensation de vertige devant la multitude de possibilités qu’elle ouvre. Une page se tourne. Le temps est venu pour moi d’aller écouter en boucle la chanson Arirang et de penser avec nostalgie aux jours heureux passés avec les uns et les autres, à Rouen, Paris et Séoul.



En outre, ces ateliers auront eu le mérite de faciliter la mise en place d’échanges scolaires et de donner l’opportunité à plusieurs promotions de lycéens coréens, de séjourner en Normandie, et à de jeunes Normands de s’imprégner du mode de vie des familles coréennes tout en goûtant à l’atmosphère unique d’un lycée prestigieux de Séoul. Ces voyages seront l’occasion d’un véritable choc de culture pour les adolescents des deux pays. Ils ne se limiteront pas aux élèves et déboucheront quelques années plus tard sur des échanges de professeurs.

Par ailleurs, ils constitueront la tête de pont nécessaire qui permettra à la langue coréenne de faire son entrée officielle dans le système éducatif français.


Enfin, et il s’agit là incontestablement du fait le plus important à porter à leur crédit, ils seront à l’origine de la naissance de profonds liens de camaraderie et d’amitié, entre lycéens, professeurs et responsables diplomatiques et éducatifs des deux pays, tous en quête d’une compréhension et d’un enrichissement mutuels.


Il m’arrive parfois de m’interroger sur les raisons d’un tel succès. La « vague coréenne » porteuse d’une culture riche, en déferlant sur le monde a grandement facilité les choses en suscitant un intérêt, aussi incroyable qu’inattendu chez bon nombre de jeunes Français. Les ateliers sont arrivés au bon moment pour amplifier le phénomène et assouvir la soif de connaissances et de découvertes de ces derniers. Le choix judicieux des intervenants, tous experts dans leur domaine, leurs indéniables qualités pédagogiques et humaines, leur volonté sans cesse affirmée d’intéresser les élèves, n’est pas non plus étranger à cette réussite.


Enfin, fortes de leur autorité morale et pédagogique, les autorités diplomatiques et rectorales, en soutenant sans réserve les ateliers, ont largement pesé sur leur légitimation auprès de toutes et tous.

En guise de conclusion, je veux absolument remercier, les autorités diplomatiques et rectorales qui m’ont accordé le privilège de porter, de piloter et de vivre de l’intérieur ce projet, sans oublier bien sûr, tous les acteurs impliqués qui de près ou de loin ont apporté leur précieux concours à son bon fonctionnement.


Je souhaite assurer de toute ma gratitude et de ma profonde reconnaissance, Bouriane, Kyu, Véronique pour la qualité et la densité du travail accompli durant toutes ces années. Sans leur investissement, leur enthousiasme, leur culot, leur bonne humeur, jamais au grand jamais, ce projet n’aurait pu rencontrer un tel succès. Je tiens également à réaffirmer tout le respect, l’admiration et l’affection que je voue à l’un des coréens les plus humanistes et francophiles qu’il m’ait été donné de rencontrer grâce à cette expérience. Je veux parler de mon ami, le brillant et élégant, Monsieur Uhm Kyu-Back, Président de la fondation du lycée Yang Chung de Séoul et initiateur des échanges scolaires. Je forme le vœu que de nombreux établissements secondaires français se lancent à nouveau dans ce type de coopération culturelle et qu’ils ne manquent pas l’occasion de goûter à cette incomparable sensation de vertige devant la multitude de possibilités qu’elle ouvre. Une page se tourne. Le temps est venu pour moi d’aller écouter en boucle la chanson Arirang et de penser avec nostalgie aux jours heureux passés avec les uns et les autres, à Rouen, Paris et Séoul.


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