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L’auteur "Mes Coréens, 35 années de rencontres et d'amitiés" Georges Arsenijevic

Dernière mise à jour : 24 mars 2023

Entretien de K. Yung, ônomad

Malgré mes 35 ans de résidence à Paris, coïncidant avec la période de l'auteur de « Mes Coréens, 35 années de rencontres et d’amitié », le dépaysement et le fossé qui sépare les deux pays, la France et la Corée du sud, reste total et je n'ose toujours pas prétendre connaître les Français. Vivement attaché ici en France, j'ai beau dire, je reste un alien éloigné des deux côtés, et perds mon stéréotype coréen. Grâce à l'hypersensibilité et l'expérience professionnelle de cet auteur, Georges Arsenijevic, je redécouvre l'ADN de nos compatriotes et le changement brutal de la Corée. Durant mes études et mon travail à Paris, je préférais la culture et la haute cuisine françaises. 35 années plus tard, je réalise que le goût coréen me plaît davantage aujourd'hui. Je suis très impressionné par l’arôme florissant de « générosité » du cœur français qui connaît et aime La Corée et qui est devenu un latin dans le pays du matin calme. Fuyant la pandémie parisienne, l'auteur m'a accueilli pour un long dialogue proche d’Yport, en Haute- Normandie. Là, il me parle avec enthousiasme de l'histoire de M., son ancien directeur coréen. Plusieurs années après son retour vers La Corée, lorsque l'auteur débarque à Séoul, M, travailleur en province alors, l'attendait dans sa voiture depuis plus de 3 heures pour l'accueillir après un voyage de 150km jusqu'à Séoul ... C'était beau, émouvant. Un témoignage d'amitié d'un autre temps qui vous laisse sans voix. Un contact de cœur à cœur d'une rare qualité : se balader ensemble la nuit et déposer l’invité devant sa chambre au petit matin avec plein de cadeaux. (Lire : Le châpitre 5. L'hospitalité coréenne illustrée par l'histoire de M... p.77-86) Ônomad – Châpitre 3. La primauté du coeur sur la raison (p.51-65) et Châpitre 4. Le 'jeong' (p.153-159) Les Occidentaux 'avisés' se prétendent davantage gouverné par les lois de la logique et de la raison que par les affects(en particulier les Français, grands cartésiens) …. Tous les Coréens sont très attentifs à aider vonlontairement pour les étrangers qui se rendent en Corée comme votre difficulté rencontrée à Seongnam.... Je suis tout à fait persuadé que les français ont la tendance à minimiser l'importance de la dimension affective. Mais alors que j'étais invité aux familles de Pays Basques (des années 1995-2003), je sentais un accueil plus chaleureux que les Coréens. Dès l'entrée de notre groupe de 4 visiteurs coréens vers 19h à l'hôtel Novotel, aéroport de Bayonne, la danse fanderole inattendue en groupe d'une cinquantaine nous a surpris en prenant tous nos bagages lourds et nous avons été intégrés involontairement par ce groupe inédit fêtant 70ème anniversaire d'un journal régional. Impossible de s'évader pendant la fête nous avons été capté complètement jusqu'à minuit en pleine de fêtes. Depuis lors j'étais invité à une cérénomie de mariage familial d'une danseuse folklorique Basque avec d'autres nombreuses invitations pendant une dizaine d'années suivantes.... Les Basques fêtent et dansent souvent jusqu'à l'aube en buvant et en dansant sans interruption et totalement épuisé chaque nuit, j'étais ancré dans un autre monde affectif en France. Dès lors je recommande les Coréens d'aller voir une série de fêtes aux villages de pays basques en été. Cet accueil chaleureux à bras ouvert que j'ai rencontré à Iran a été même niveau des Basques avec du cour affectif omniprésent sans aucune calculation.

Georges Arsenijevic :

Bien sûr, les Coréens ne sont pas le seul peuple hospitalier au monde. Ni le seul peuple chez lequel l'affectivité prime sur la raison. Sur ces deux points, d'autres peuples par exemple slaves (et en particulier mon peuple d'origine serbo-monténégrin), leur ressemblent beaucoup. Mais cette façon d'accueillir l'invité avec des repas incroyables, de se donner autant de mal et de tout faire pour le satisfaire en essayant de devancer jusqu'au moindre de ses désirs, de lutter à chaque fois avec lui s'il y a une addition à payer et, d'une façon générale,de lui manifester une disponibilité chaleureuse totale, est quand même quelque chose qu'on ne voit pas si souvent, en tout cas dans les pays dits développés et modernes. C'est quelque chose que j'ai connu quand j'étais enfant dans mon pays natal et le fait de retrouver cela chez les Coréens m'a beaucoup touché. Par ailleurs, je pense qu'il y a toujours chez eux dans les relations interpersonnelles une dimension affective très forte et qu'elle pèse dans ces relations beaucoup plus que chez les Occidentaux. Qui sont plus cartésiens, plus rationnels, plus soumis à la raison qu'aux soubresauts du coeur. Sans doute que de par mes origines, je suis moi plus sensible à cette primauté du coeur qui se traduit concrètement par plus de chaleur dans les rapports humains. En fait, derrière le masque du confucianisme, les Coréens sont de grands sentimentaux au tempérament bouillonnant. Et on peut connaître avec eux, si on prend la peine d'aller les “chercher” un peu, de magnifiques moments d'amitié et de fraternité.


A mon retour d'un voyage en Corée, un ami français m'a demandé: "Quelle est la plus belle chose que tu aies vu là-bas?" Je lui ai répondu: "Les Coréens" ... Georges Arsenijevic

Ô : Châpitres 15 et 16 : le 'han', état d'âme profondément mélancolique et un sentiment de désespérance dans le chapitre 'Les Coréens sont-ils les Italiens de l'Asie ?' (p.161-167) : Votre description de Stéréotypes faciles (sourires, amabilité et, après quelques verres d'alcool, volubilité) des Coréens qui favorise l'enracinement a quelque similitude avec celle des Italiens. La 'saudade' portugaise et le 'sevdad' des Balkans révèlent aussi un sentiment mélancolique coréen similaire. Alors que j'ai séjourné une semaine à Lisbonne en 1993 en passant par le quartier des bars de nuit 'Alfama' et 'Bairro Alto' où les musiciens de 'Fado' traditionnel font le tour de la nuit, j'ai senti un certain « apitoiement sur soi » très coréen. Il y a un nombre important de restaurants portugais appelés « Saudade », à Paris, Versailles et Bordeaux dont le meilleur est au 34, rue Bourdonnais, à Paris 1er depuis quatre décennies. Musique et chansons traditionnelles mélancoliques et affaisses de Hongrie et des Balkans nous rend sympathique la nostalgie. Ce sentiment mélancolique 'han' de Pansori coréen de récit chanté, avec rythmes et mélodies nous fait remonter à l'époque nostalgique de la génération des années soixante. La péninsule de Corée, le passage entre le continent et l'océan, situe en permanence dans une géographique corrélation avec les envahisseurs voisins, et cette souffrance s'exprime par les chansons traditionnelles dans les pays que j’ai visités : Monténégro, Croatie et Bosnie, et le Portugal... Par contre, par la vitesse de l'urbanisation en Corée et la globalisation, les phénomènes K-POP et les jeunes coréens nous donnent une image très gaie d’un pays qui n’est plus un lieu de tristesse mélancolique. Le BTS (groupe origine des adolescents déviés de la vie scolaire opprimée) donne pleine d'espoir aux jeunes. La Corée a énormément changé et s’est très bien modernisée en l’espace de 35 ans. G.A. : Je connais assez bien l'Italie et les Italiens. Ils sont très sympathiques, gais, ils ont une belle tradition du chant et un pays et une culture magnifiques. Quand on dit aux Coréens qu'ils sont les Italiens de l'Asie, je comprends que cela puisse être flatteur et qu'ils aient plutôt tendance à confirmer. Mais je pense qu'il s'agit d'un cliché et que la ressemblance entre les deux peuples n'est qu'apparente. En effet, pas de han chez les Italiens. Par contre, je cite dans mon livre quelques autres peuples d'Europe qui éprouvent des sentiments similaires (Serbes, Bosniaques, Portugais...). Sentiments qu'on retrouve d'ailleurs dans leurs musiques populaires qui en sont marquées comme on peut retrouver l'influence du 'han' dans les minyo. Bien sûr, les plus jeunes générations de Coréens, qui ont connu moins de souffrance et eu un destin plus insouciant, sont moins marquées par le han. Et les groupes de K-pop paraissent, en tout cas en apparence, bien loin de ce sentiment. Mais à mon avis, le fait d'être joyeux, d'aimer chanter et s'amuser n'empêche pas de garder un fond de han au plus profond de soi. J'ai eu par exemple l'occasion d'en observer quelquefois les manifestations même chez des étudiants coréens... Ceci étant, il est probable que dans un pays en paix, moderne, et développé, le han va peu à peu disparaître. Mais lorsque ce jour viendra, on peut se poser la question si les Coréens seront encore des Coréens... ou bien des habitants d'un nouveau monde standardisé où on se ressemble tous...?


Ô – Châpitre 20. Formalisme administratif français contre chamanisme coréen p.208-220 Lorsque Kim Keum-hwa monta (comme prévu dans la chronologie du rituel) la danse du hache-paille, un responsable technique français demanda de tout stopper sur l'heure ! Car cette danse sur un support instable, à quatre mètres du sol, lui paraissait trop risquée exigea l'assurance « Risques spéciaux ». Interdire tête de cochon dans la gueule et les spectateurs de déposer les oboles de billets de banque au déroulement de 'gut' de cérémonie... Les administrateurs français ne s'intéressenet pas dans l'aspect esthétique et la valeur ethnographique de la cérémonie... quitte à la vider de son contenu. Lorsque j'organisais le Festival de France à Séoul en 1995, un accueil chaleureux et une générosité omniprésente dominaient les festivités à travers les responsables techniques coréens. A la table de « Miss France », les hommes « machos » s'attachaient pour l'attirer avec une certaine courtoisie. L’artiste mime français est entré dans la foule des spectateurs en percevant les billets de banque au grand magasin prestigieux. Les mannequins Nina Ricci et les danseuses sont autorisés tacitement à sortir avec les spectateurs vers le bar-discothèque de la nuit. Aucune interdiction. Plutôt tous les administrateurs étaient prêts à supporter les artistes français pour la facilité de leurs talents. Durant mes premières douzaines d'années en France, j'étais assez gêné par trop de règles/exigences légales pour la moindre démarche administrative ou sociétaire. Qu’à cela ne tienne : confucéens, les Coréens s'adaptent aux formes rondes et naturelles des rivières entourées des montagnes. Le confinement en raison du Covid-19 de France est toute logique puisque le système sanitaire n'est pas prêt. Aucun pays n'était pas prêt à le défier. Un nouveau challenge inédit chaque jour. Les Coréens se sont adaptés à la pandémie avec une grande réactivité, des tests et une recherche de contacts généralisée par des Appli mobiles ainsi qu'un soutien actif des citoyens rompus à la discipline et à la rigueur, tout en maintenant l'activité économique du pays. Les Coréens sont souvent perçus comme têtus et totalement déraisonnables et défiant toute logique du point de vue carré des Français.

G.A. : Vous avez raison. Il y a en France trop de réglementations, trop de normes, trop de lois qui viennent s'empiler les unes sur les autres. Et une volonté de tout préciser, de tout codifier jusqu'au moindre détail. Comme si la loi pouvait tout prévoir et nous protéger de tout. Ainsi, le code du travail français fait 3145 p. Mais malgré ses innombrables lois, le chômage constitue en France, depuis une quarantaine d'années, un problème endémique. Le code de l'éducation qui regroupe, lui, l'ensemble des lois sur l'éducation, fait 3020 p. C'est énorme. Mais malgré ça, on a en France une explosion de la petite délinquance et des incivilités. L'inefficacité de nos pouvoirs publics a assurer la sécurité des citoyens dans le métro, le RER, les dégradations sauvages et les pillages de magasins lors des manifestations, choquent d'ailleurs énormément tous les Coréens qui vivent ou viennent voyager dans nos grandes villes. Bref, nous sommes très forts quand il s'agit d'énoncer de grands principes théoriques et de concevoir de belles lois. Mais nous manquons totalement d'efficacité quand il faut les faire appliquer. Enfin, et c'est à mon avis le plus grave, il est impossible en France de réaliser l'union sacrée autour d'un sujet d'intérêt national quel qu'il soit. Qu'il s'agisse de la réforme des retraites, de l'amélioration du système éducatif, d'une politique susceptible d'améliorer la sécurité des Français...il y a toujours une partie de la population qui s'oppose, qui manifeste, qui se met en grève et peut bloquer le pays même quand elle est minoritaire. C'est selon moi la grande faiblesse de la démocratie française. Vous êtes vous, Coréens, plus disciplinés bien sûr mais aussi moins individualistes et plus unis, plus conscients de l'intérêt collectif et de celui du pays. Vous êtes aussi pragmatiques et réactifs, plus intéressés par l'action que par les grands débats théoriques. Tout ça vous rend plus efficaces qu'il s'agisse d'économie ou de la lutte contre le Covid 19.


* * * * * * * * * * * « Mes Coréens, 35 années de rencontres et d’amitié » par Georges Arsenijevic Préface de Jean-Yves Ruaux L’Asiatheque, novembre 2019, 252 pages ISBN : 978-2-36057-195-6 Les Coréens sont hypersensibles et facilement inflammables... Ils placent l'intérêt du groupe au-dessus des caprices de l'ego. L'auteur est hypersensible au caractère et aux caprices des Coréens de par sa carrière professionnel de 35 ans en tant que conseiller au Centre Culturel de Corée à Paris. Une analyse brillante et une compréhension sympathique par diverses étapes avec tant de contacts coréens ont réduit le grand fossé des différents égos entre les deux pays. Chacun des 20 chapitres nous étonne de redécouvrir le stéréotype compliqué et l’ADN de nos compatriotes. Car il s'agit de se regarder soi-même pour démêler ce qui peut être à l'origine de malentendus des deux côtés. Un guide pour les français et les jeunes coréens francophones.

Georges Arsenijevic No Mi-sug, traductrice et responsable de la

Bibliothèque de l'Institut des Etudes coréennes

du Collège de France

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