- Monument vide ne portant aucun nom Jeju 4.3 -
Alors que la Corée venait juste d'être libérée de la domination coloniale japonaise, les années 1948 à 1954 ont vu s'instaurer un véritable génocide perpétré par la police coréenne et les troupes basées sur l'île de Jeju : celles qui gardaient les "camps démocratiques" tenus par la Corée du Nord (avec le soutien du Parti Communiste russe) et l'armée américaine. Contrairement à Prague 1968 et Ukraine 2022, les citoyens de Jeju ont été victimes du problème idéologique de leur propre nation. Et ont subi un massacre planifié.
Monument vide ne portant aucun nom A l'époque de la guerre froide, la puissance publique coréenne indifférente à l'identité des victimes
Le printemps 1968 de Prague est un exemple très connu de défense civile. Si on vit des actes sporadiques de violence d'État et des suicides de protestation par immolation, aucune résistance militaire globalisée ne répondit au mouvement populaire.
Cette année, lorsque Zelensky a appelé à l'aide militaire de l'Occident, il a affirmé que les Américains lui avaient proposé de l'évacuer de l'Ukraine envahie par la Russie : « Nous avons besoin de munitions, pas de taxis. »
Le courage de Zelensky repose sur celui des millions d'Ukrainiens qui se battent. Les Ukrainiens sont prêts à risquer leur vie contre l'invasion russe, et la perte de leur confort personnel n'est pas pour eux un sujet. À ce carrefour où il n'est plus de choix, l'objectif de Zelensky et des Ukrainiens est clair.
Jeju 4.3 Peace Park
Sale Guerre
JEJU 4.3, 1948
PRAGUE 1968
KIEV 2022
Ce que la Corée persiste à appeler "l'incident de Jeju 4.3" fut en réalité une période de sept ans et sept mois de massacres perpétrés par les forces gouvernementales, période ayant causé dans le déni, l'effacement des identités et l'arbitraire de prétendues justifications – partielles autant que partiales – plus de 30 000 victimes.
Les victimes des bombes larguées “accidentellement" sur les habitations sont rarement moins nombreuses que celles tuées sur le champ de bataille. La propagande et la violence planifiées par leur propre gouvernement se sont avérées mortelles pour les citoyens de Jeju, citoyens vivant sur une île et n'ayant par conséquent aucun endroit où espoir de s'échapper.
Aujourd'hui, des habitants de l'est de l'Ukraine, du Donbass et de Louhansk, vident des bouteilles de vodka pour répliquer au moyen de cocktails Molotov aux véhicules blindés et canonniers surpuissants déployés par Moscou ennemi, tandis que des femmes préparent le repas en chantant des drones turcs Bayraktar dans des églises où sont assemblés. Citoyennes et citoyens sont prêts à affronter la mort car ils et elles ont un objectif clair et une raison de se battre. Cependant, les horreurs de la guerre ne se limitent pas aux champs de bataille ni au temps des batailles. Le traumatisme et la tragédie de familles détruites se gravent dans les psychés des générations futures, et pour très longtemps.
Au cours de cette guerre décidée par Moscou, les populations désarmées ont été baptisées à tirs d'obus et des familles n'ont survécu qu'en se servant des trous dans la cour de leurs maisons pour s'abriter. Lors du Jeju 4.3 incident, c'est l'État coréen qui avait pourchassé ses propres citoyens, et qui sur la foi de fausses promesses les avait fait descendre des montagnes Hallasan où ils s'étaient réfugiés afin de les capturer et massacrer en masse, femmes, enfants et vieillards compris.
Jeju 4.3 Peace Park
En Corée la partition du pays a fait qu'au cours des générations suivantes, les proches – famille, amis et aussi leurs collègues – des “délinquants idéologiques” furent soumis par l'État au concept d'association de fait – à la façon des criminels de droit commun. Durant plusieurs décennies, “au nom de ce concept d'association des gens ont été surveillés, interdits d'emploi et même torturés”. Ce système inhumain n'a été aboli dans le Sud qu'après la démocratisation, et même après l'abolition les maux sociaux se sont poursuivis jusqu'à la fin du siècle. (La loi anti-communisme abrogée en 1987).
Pour reprendre une expression inventée 'Sale Guerre' dans les années 1950 'Guerres de Corée et de Viétnam', l'invasion de l'Ukraine par la Russie entraîne, et de plus en plus, une 'Sale Guerre'. On entend par là qu'elle ne se limite pas à un affrontement classique entre deux adversaires sur le seul champ militaire. Dans l'est de l'Ukraine, les troupes russes ont enlevé les maires jugés incompatibles avec la politique d'annexion de Moscou, et partout où la population a résisté – c'est-à-dire partout en Ukraine – des représailles par viols et exécutions arbitraires ont été perpétrées. Pour ce qui est des opposants russes à cette guerre, en dépit du black-out on sait que nombreux sont les oligarques russes installés à l'étranger (aux États-Unis, au Royaume-Uni, en Espagne…) ou en Russie à avoir été retrouvés pendus proche à leur domicile.
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